La langue arabe ou l’enseignement en question: Le temps de l’ornement s’impose!

Maintenant laissons l’humour de côté et examinons sérieusement la question… L’école marocaine a connu ces dernières décennies, et presque d’année en année, plusieurs modifications et variantes aussi bien au niveau des programmes scolaires que des méthodes adoptées ou des disciplines enseignées. Des tentatives vaines de sauver un enseignement en décadence perpétuelle où les langues d’usage dans les classes : L’arabe, le français, l’arabe et le français, l’arabe ou le français, et là, l’arabe ou le dialecte!

 

La langue à épicer

La langue arabe, langue scolaire (l’expression arabe littéraire n’étant pas adéquate vu que dans les œuvres littéraires on se permet aussi l’usage de l’arabe dialectal) est une langue à laquelle on refuse l’évolution depuis qu’elle s’est imposée de façon officielle après l’avènement du Coran qui lui a conféré par ailleurs son statut de langue sacrée et donc intacte… de vierge éternelle!

Toute cette polémique autour du manuel d’arabe de la deuxième année de l’enseignement primaire doit nous amener à avouer que la langue arabe a besoin d’évoluer à son tour. La vulgarisation qui a fait la une des réseaux sociaux proviendrait moins du recours à des expressions dialectales que du contenu de la méthode et d’une intrusion brusque, sans adoption préalable et officielle des mots utilisés. Il est temps peut-être d’apporter des modifications à nos dictionnaires anesthésiés profondément depuis plusieurs siècles. Une expression orale ou étrangère qui s’impose à force d’usage, un mot qui n’a pas d’équivalent dans la langue classique, ont droit d’être recueillis  convenablement pour trouver leur place dans les grands livres. Il est temps aussi d’admettre que l’«Ijtihad» et «Tajdid», dans le sens logique des notions, peuvent s’appliquer aussi à cette langue dont la beauté sublime réside dans la variété de ses phonèmes, dans la richesse du vocabulaire, dans son origine poétique et dans les 300 langages qui y ont donné naissance et qui doivent continuer à la nourrir !

 

Langue et dialectes : discipline et didactique

Quant au recours au dialecte dans l’apprentissage à ses débuts ou à un stade plus avancé, on pourrait examiner le cas de divers côtés. Nos élèves arrivent au lycée avec un bagage pauvre et un usage erroné des langues à cause justement d’une fausse  dialectisation de l’enseignement-apprentissage lors des premières années scolaires, que ce soit pour le français ou pour l’arabe qui plongent dans une confusion entre langues d’études et langues à étudier.

Un langage ou une langue ne s’apprennent pas avec un-e autre. Les premiers mots que nous prononçons dans notre cycle de vie, les toutes premières phrases que nous composons, proviennent d’un effort d’écoute, de visualisation, de recours à l’image, à la répétition… Le cerveau d’un enfant ne manque pas d’intelligence, il a juste besoin de méthodes efficaces qui ne prêtent ni au mélange ni à l’embrouillage!

Et donc, l’arabe, qui, à rappeler, n’est pas du dialecte arabe, est une langue étrangère qui se veut certes au renouvellement, mais qu’on peut toujours apprendre dans les normes jusqu’à bon usage correct et «intuitif». Première langue officielle au Maroc, elle aura toujours sa place essentielle en tant que matière primordiale dans notre système éducatif, sans pour autant préoccuper les enseignants, en l’occurrence les instituteurs lors du savoir-transmettre des autres disciplines, notamment artistiques et scientifiques.

 

Le mal de l’école

Ce qui manque à nos écoles et à nos écoliers, ou encore à la promotion du rendement de notre enseignement, ce ne sont pas des manuels aléatoires changés systématiquement selon les caprices des décideurs, les exigences du marché ou les besoins des concepteurs. Ce n’est pas la facilité du contenu mais sa simplicité et sa fertilité. Son adaptation aux besoins réels des apprenants et de façon progressive, avec un enchaînement logique suivant les années d’apprentissage du CP jusqu’au baccalauréat. Un enseignement durable et non provisoire. Une trajectoire tracée de sorte à forger des personnes et des personnalités et non à aboutir à des marionnettes sociales et économiques ! Un système éducatif basé sur des normes rigoureuses et bornées, sur des schémas nuisibles et bouclés, n’est et n’a jamais été le reflet d’un avenir lumineux. Et nombreux génies et grands noms des sciences, des arts et de la littérature qui ont changé les mondes modernes et orienté les idées dans le bon sens en sont l’illustration parfaite. Autant de femmes et d’hommes célèbres dont la vocation n’a jamais été déterminée par l’école et a même été déclenchée en se libérant des cadres scolaires. Thomas Edison était, selon ses professeurs  “trop bête pour apprendre quoi que ce soit” car il n’arrivait jamais à suivre les programmes scolaires !

Il ne s’agit pas là d’une invitation aux élèves à quitter l’école pour donner libre cours à  leur créativité ailleurs, mais plutôt d’une requête adressée aux pédagogues et formateurs afin de trouver une réconciliation entre l’école et l’écolier.  Les nouvelles générations surfent dans un monde aussi nouveau et évolutif. Elles ont leurs propres intelligences et conceptions du monde que nos méthodes doivent prendre en considération au lieu de les dénigrer, les vulgariser et les détruire. Il est aussi temps de suivre, pas forcément en totalité, ces modèles d’ailleurs qui ont connu un grand succès en faisant de l’école un cadre qui construit et non une institution qui écrase !

Ce ne sont pas des mots empruntés à la cuisine habituelle qui provoquent un déficit dans nos salles de cours, mais un cadre agréable et le moindre des équipements nécessaires pour un épanouissement correct et pour un enseignement confortable !

Nos enseignants du cycle primaire ne nécessitent pas des mots, mais une préparation, une formation sérieuse et aussi de la motivation et des conditions convenables!

Et notre enseignement réclame enfin d’être abordé avec de nouvelles mentalités et l’élève suivi dans son actualité et en tant qu’entité qui mérite de la considération.

Bonheur d’être. Bonheur d’aimer ce que l’on fait. De faire ce que l’on aime. Bonheur aussi de réussir… On ne peut parvenir à un changement rentable -et heureux- avec une improvisation du jour au lendemain ou à partir d’un siège supérieur d’où le bas et le fond de la crise demeurent flous.  Le simple citoyen, élève de l’école publique, est fatigué d’être vu avec des jumelles et exige un regard valorisant, à l’œil nu et objectif…

Et enfin, si usage de langage s’impose que tous les dialectes marocains se retrouvent à l’honneur dans les manuels scolaires, chacun dans sa région et pour un même objectif : éduquer correctement !

Asmaä El Faëzi

Professeure agrégée de français

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