Abdellatif Laâbi en mode artiste peintre
Une fois n’est pas coutume, l’écrivain et poète Abdellatif Laâbi troquera, le temps d’une exposition, sa plume pour un pinceau.
L’exposition se tiendra à partir du 23 novembre prochain à la Matisse Art Gallery, à Marrakech, et se poursuivra jusqu’au 21 décembre prochain.

C’est Laabi lui-même, prix Goncourt de la poésie en 2009. qui a annoncé sa présence au vernissage en publiant un extrait de son texte prévu pour le catalogue de l’exposition. Dans un texte intitulé «Mon histoire avec la peinture », on pourra lire l’extrait suivant :
«J’ai écrit quelque part que l’homme (l’être humain) n’arrête pas de naître à lui-même. Ce n’est que peu à peu que se révèlent à lui ses différents moi, les multiples facettes de sa propre énigme. Ce sont les coups du sort, les rencontres, les passions vécues, les périls affrontés, les combats menés (j’ajouterai, me concernant, le rôle des livres et des œuvres d’art) qui nous permettent de découvrir à un moment donné de notre parcours l’une ou l’autre de ces facettes jusqu’alors insoupçonnée. C’est ce qui s’est passé pour moi avec la peinture. Pendant près d’un demi-siècle, j’ai fréquenté les peintres, je les ai observés en train de travailler, j’ai réfléchi sur leur activité. Il m’est même arrivé de commettre certains textes sur les œuvres de l’un ou de l’autre. L’art de peindre m’était devenu aussi familier, aussi intime que celui de la poésie. Puis un jour (il y une dizaine d’années de cela), sans savoir pourquoi, j’ai gribouillé sur une feuille de papier ordinaire un premier dessin. Bien vite, je passais au papier à dessin, puis à la toile. En un laps de temps très court, je me suis retrouvé en train de peindre, quand je le pouvais, chaque jour pendant plusieurs heures. Dans cette dépense physique et mentale sans précédent, le plaisir était toujours au rendez-vous ainsi que le ravissement de la découverte. C’était comme une faculté inconnue qui s’insinuait et surgissait en moi, régissant à mon insu un mode d’expression où je n’avais plus besoin de mes vieux compagnons, les mots. Ma main prenait la relève, mue par le corps tendu tel un arc. L’alchimie des couleurs remplaçait celle de la langue…
Je ne fais pas donc pas d’infidélité à la poésie quand je peins. Je la célèbre par un autre moyen qui invite les mots à prendre un repos mérité, à se plonger, ne serait-ce qu’un temps, dans la beauté du silence.»